Analyses Out-Law 8 min. de lecture
15 May 2020, 10:46 am
Le 15 avril dernier, après deux mois de consultation publique, la CNIL a publié un nouveau référentiel sur les traitements courants de données opérés dans le cadre de la gestion du personnel. Cela fait partie des nouveaux pouvoirs de la CNIL depuis l'entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données ("RGPD").
Ce référentiel a pour but de remplacer (tout en étendant son champ d'application) la norme simplifiée NS-46 sur la gestion du personnel, qui servait d'outil d'orientation non contraignant depuis l'entrée en application du RGPD.
Ce référentiel devient donc LE texte à connaître pour les traitements de données de vos salariés. Si vous n'avez pas encore eu le temps de le lire, vous trouverez dans cet article les réponses à toutes vos questions !
Un référentiel est un document rédigé par la CNIL afin de créer un cadre de référence sur lequel les organisations peuvent se baser pour mettre certaines de leurs activités de traitement de données à caractère personnel en conformité avec la réglementation en vigueur.
Avant de préparer un référentiel, la CNIL consulte les secteurs ou les organismes concernés afin de tenir compte de leurs enjeux et contraintes pratiques dans la mise en œuvre de ces activités de traitement spécifiques. Cela permet d'élaborer un cadre de référence qui réponde autant que possible aux questions que se posent les professionnels pour se conformer au RGPD et à la Loi Informatique et Libertés ("LIL").
Les référentiels sont un type, parmi de nombreux autres, de cadres de référence préparé par la CNIL ou par le CEPD (e.g. les lignes directrices du CEPD, celles de la CNIL, les règlements type, les recommandations, etc.). Ce sont des outils de conformité particulièrement utiles si vos activités de traitement entrent dans leur champ d'application.
Ce référentiel est donc pertinent si votre organisation traite les données à caractère personnel de votre personnel et que vous souhaitez valider la conformité de vos activités de traitement (vérifier que vous appliquez les bonnes durées de conservation ou des mesures de sécurité adaptées) ou comprendre les étapes à suivre pour parvenir à cette conformité.
Ce référentiel porte sur les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre dans le cadre de la gestion des ressources humaines. Vous y trouverez notamment :
Le référentiel s'applique à tout employeur, public ou privé, dans le cadre de ses activités de gestion des ressources humaines, impliquant nécessairement le traitement des données à caractère personnel de ses employés (et ce, quelle que soit la forme juridique de son organisation).
Ce document a une portée très générale et s'applique à tous les effectifs d'un employeur, qu'il s'agisse de personnel temporaire ou d'employés permanents (e.g. stagiaires, vacataires, salariés, agents de la fonction publique, etc.).
En revanche, la CNIL a précisé que ce référentiel ne s'appliquait pas "aux relations de travail présentant des spécificités importantes telles que les activités des entreprises temporaires de travail ou encore le fonctionnement des instances représentatives du personnel".
Le référentiel vise les activités de traitements habituellement mises en place par les employeurs pour gérer leurs ressources humaines (i.e. recrutement, gestion administrative et rémunération du personnel, mise à disposition d’outils de travail). En revanche, ce référentiel ne s'applique pas aux activités suivantes :
Oui, le référentiel de la CNIL tranche certaines questions particulièrement intéressantes !
La première concerne les durées de conservation. Pour la première fois, la CNIL fournit une liste étoffée des durées de conservation de référence pour vos traitements de données de salariés. Cet outil est donc précieux et vous permettra de déterminer traitement par traitement les durées de conservation que vous pouvez appliquer. Bien sûr, si des textes spécifiques s'appliquent à votre activité, ces durées sont modulables à condition de pouvoir le justifier en cas de contrôle.
L'autre information intéressante de ce référentiel est que la CNIL a indiqué, pour plus de 20 finalités de traitement, la base légale qui peut être utilisée. Par exemple, pour la constitution d’une CV-thèque, la CNIL considère que l’intérêt légitime pourra servir de base légale. Attention toutefois, les exemples correspondent aux situations les plus courantes mais si votre traitement a des spécificités, la base légale applicable pourrait varier.
Parmi les différentes bases légales prévues à l'article 6.1 du RGPD qu'il est possible d'utiliser, vous noterez que la CNIL recommande à de nombreuses reprises d'utiliser l'intérêt légitime. En revanche, l'exécution du contrat n'est mentionnée qu'à quatre reprises pour les traitements suivants : gestion du dossier professionnel, gestion des rémunérations, gestion de la mobilité professionnelle et gestion des demandes de formation. Cela peut paraitre surprenant puisque par définition, le salarié est lié à son employeur par un contrat. Pourquoi la CNIL a-t-elle fait cette interprétation ?
Pour le comprendre, il faut revenir à l'avis n°06/2014 sur la notion d'intérêt légitime publié par le Groupe de l'article 29 (devenu l'EDBP) en 2014. Dans cet avis, il est rappelé que la base légale du contrat doit être interprétée strictement et couvrir uniquement des situations dans lesquelles le traitement est véritablement nécessaire à l’exécution du contrat. Ainsi, il faut déterminer la raison d’être exacte du contrat, c’est-à-dire sa substance et son objectif fondamental. Si le traitement fait partie de la raison d'être du contrat, le fondement du contrat s'applique, sinon c'est plutôt vers la base légale de l'intérêt légitime - ou une autre des bases légales prévues par le RGPD - qu'il faudra se tourner.
Le référentiel a un périmètre large et vous devriez y trouvez une finalité qui corresponde à votre traitement. Toutefois, si ce n'est pas le cas, deux pistes principales sont à explorer :
Ce référentiel n'est pas contraignant. Vous pouvez donc parfaitement décider de ne pas le respecter. Cela s'inscrit dans la logique du RGPD et du principe de responsabilité des entreprises.
Néanmoins, vous devrez alors être en mesure de justifier pourquoi votre activité nécessite de déroger à ce référentiel et dans tous les cas, vous assurer que vous vous conformez à l’ensemble des dispositions du RGPD. Si vous n'avez pas de bonne raison d'y déroger, vous prenez en effet le risque d'être sanctionné en cas de contrôle de la CNIL.
Votre outil principal sera votre registre des traitements (voir article 30 du RGPD). En effet, dans ce document, vous devez centraliser des informations sur l’ensemble des traitements mis en œuvre par votre société, y compris ceux relatifs à la gestion du personnel.
Votre registre des traitements devra donc refléter les conditions de mises en œuvre de vos traitements conformément au référentiel. Evidemment, ce que vous indiquez dans votre référentiel doit refléter la réalité des choses puisqu'en cas de contrôle, la CNIL ne se contentera pas de consulter votre registre !
Pour vous assurer du respect du registre des traitements en interne, vous devrez donc également rédiger et faire appliquer des process internes (e.g. charte informatique, process garantissant que les nouveaux salariés sont bien informés des traitements qui les concernent, process de gestion des habilitations, etc.) mais également contrôler que les contrats passés avec vos sous-traitants ou partenaires sont conformes au RGPD.
Comme vu à la question 7, si votre traitement ne figure pas dans le référentiel, il se peut que votre traitement nécessite de mener une analyse d’impact en raison du risque qu’il présente pour les droits et libertés de vos salariés.
Dans ce cas, même si votre traitement ne figure pas dans le référentiel, ce dernier vous sera d’une grande aide. En effet, il vous servira de guide pour compléter les sections de l'analyse d'impact sur la description de votre traitement, ses destinataires, etc. et vous permettra de vérifier que vous n’avez rien oublié dans votre analyse de risque.
De plus, les éléments fournis dans le référentiel pourront vous servir de points de comparaison. Par exemple, si vous mettez en œuvre un traitement d’une sensibilité particulière en raison de sa finalité ou des données traitées, vous saurez que vos mesures de sécurité devront être renforcées par rapport à celles prévues dans le référentiel.
Oui, la CNIL a notamment adopté un référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel destinés à la mise en œuvre d'un dispositif d'alertes professionnelles, dit « whistleblowing ». Il existe également un autre référentiel spécifique au secteur de la santé.
Deux autres référentiels devraient également voir le jour sur la mise en œuvre de fichiers « clients » et « prospects » et sur le traitement de gestion d’impayés. En effet, la CNIL avait soumis ces projets à consultation publique. Cette consultation s’est terminée le 11 janvier 2019 mais les versions définitives des référentiels sont toujours en attente. Affaire à suivre !
« Co-écrit par Anne-Sophie Mouren et Clémence Marolla, avocats spécialisés en protection des données à Paris »